dimanche 27 décembre 2009

Noël au balcon

Vivre Noël en été, c'est vraiment... magique. Même si nous n'étions que tous les trois, même si des êtres chers à mon cœur restés en France me manquaient en ce jour plus que d'autres, ce Noël restera imprimé longtemps dans ma mémoire. Nous n'avons pas pu réveillonner à l'extérieur comme prévu, à cause du bandh décrété le matin même par le gouvernement de l'Andhra Pradesh. Le bandh est un mot hindi intraduisible, une sorte de couvre-feu qui réduit les déplacements et oblige les magasins, les écoles et les administrations à fermer pendant les périodes de trouble politique. En l'occurrence, à l'annonce d'une suspension dans le processus d'autonomie du Telengana décidée par l'assemblée d'Andhra Pradesh, des sympathisants de la cause indépendantiste s'étaient remis mercredi soir à casser des voitures et à brûler des bus. J'ai peut-être pêché par excès de prudence, Eric et Zuzu étaient prêts eux à prendre le risque de sortir, quitte à rebrousser chemin, mais j'ai lu trop de livres sur le sujet pour avoir envie qu'on se retrouve pris dans une émeute en Inde... Bref, nous avons réveillonné "chez nous". Au menu, champagne, foie gras, bourgogne, saucisson et Brie qu'Eric venait juste de rapporter de France dans sa valise diplomatique personnelle. Et pour finir, des délicieux gâteaux de notre colis de Noël allemand (merci Lena !). Nous avons même entonné des cantiques (et quelques chansons paillardes), et je crois pouvoir affirmer que ce soir-là, nous avons fait plus de bruit que nos voisins Indiens, ce qui n'est pas peu dire ! Le 25, nous sommes allés "bruncher" à l'Ista, l'hôtel magnifique où nous avions passé nos trois premières semaines à Hyderabad. Champagne indien (pas mauvais, ma foi) à volonté, un buffet de rêve aux influences culinaires très variées, des pâtisseries à faire pâlir Le Nôtre, et un café pour finir (un vrai, un noir, pas cette lavasse avec nuage de lait, réminiscence de l'ère britannique, que l'on nous sert d'habitude). Le Père Noël était là, la presse people aussi (!), nous avons même posé avec le Directeur de l'hôtel et son chef. Cerise sur le gâteau, pour nous remettre de ces riches agapes, nous avons eu la piscine de l'hôtel pour nous tous seuls ! Les Indiens se baignent très rarement, les rares expats devaient avoir mieux à faire, autant dire que nous étions comme trois coqs en pâte. Euh, pardon, deux petite poules et un coq français.

lundi 21 décembre 2009

Les dames de la côte

Anita a dans les 40 ans, peut-être moins, difficile à savoir. Elle a un visage qu'on n'oublie pas, différent des autres vendeuses de la plage. Plus long, plus anguleux avec un sourire très doux. Au bout de deux ou trois jours passés à s'apprivoiser mutuellement, elle m'en dit plus sur elle. Comment elle est venue du Rajasthan avec sa mère et ses trois enfants parce que son mari ne pouvait plus entretenir sa famille. Il a été renversé par une voiture et a perdu l'usage de ses jambes. Pas de sécu là-bas. Sa voix se casse quand elle dit qu'elle regrette juste de ne pas pouvoir envoyer ses enfants à l'école mais 600 roupies (9 euros) par mois et par enfant, ce n'est pas dans ses moyens. Elle doit payer une sorte de patente pour arpenter son petit bout de plage et graisser la main aux deux flics en ray-ban que j'ai vus un matin de mes propres yeux racketter une de ses collègues. Et les affaires ne sont pas bonnes cette année. Sa fille aînée, Sonia, l'aide. A 11 ans, c'est une gamine montée en graine, toute en jambes, juste un peu menue. Elle ne fera peut-être pas d'études mais elle passe haut la main son CAP de vendeuse tous les jours. Elle n'a pas son pareil pour vous faire promettre que vous lui achèterez quelque chose. Si ce n'est pas aujourd'hui, demain ou le jour suivant, elle attendra... La grand-mère, elle, son ballot sur la tête et sa bouche édentée, avoue ses 80 ans mais n'a pas de temps à perdre en bavardages. Seules celles qui sortent leurs billets à la vue de ses sarongs l'intéressent, les autres, passez muscade ! Une autre jeune femme se mêle à la conversation. Elle est venue ici pour six mois, laissant ses jeunes enfants à leur grands-parents. Elle retourne les voir tous les deux mois en bus jusqu'au Karnataka voisin. Oui, c'est long six mois, mais c'est comme ça... Et puis, arrive Sunita. Elle, elle a pu faire scolariser à Goa ses deux garçons, Santos et Mahesh, et elle en est très fière. Mais sa grande est restée au pays avec son mari. Quel âge a-t-elle ? 18 ans. Tiens, comme la mienne. Elle s'appelle Lolita et elle attend son premier bébé, elle est enceinte de 5 mois... Sunita est contente, elle est chrétienne et sa fille vient la voir pour Noël. La mienne aussi. On évoque la joie des retrouvailles et on se sépare sur une promesse, penser chacune à l'autre le soir du 24 décembre...
Je dédie ce billet à ma copine Véro qui a eu l'idée géniale de créer des voyages pour aller à la rencontre d'autres femmes de par le monde. Si ça vous intéresse, c'est . Et bien sûr, à toutes les mamans de la terre...

dimanche 20 décembre 2009

To Go or not to Goa

Un jour, je suis allée à Phuket et je n'ai pas aimé ce que j'ai vu. Une fois, je me suis rendue à Negombo, sur la côte ouest du Sri Lanka, et je n'ai pas aimé ce que j'ai ressenti. Je ne suis jamais allée à Ibiza, ni à Marbella, ni à Mykonos, mais je ne crois pas que j'aimerais... Goa fait partie de ces destinations qui seraient parfaites ... sans touristes. Dans le guesthouse de Candolim où je séjournais, un couple d'Italiens passait son temps à se faire des scènes de ménage sur fond de Peter Gabriel et Phil Collins à tue-tête (ç'aurait pu être pire, j'ai échappé à Adriano Celentano). Dans ma chambre, les fenêtres à claire-voie étaient censées laisser entendre le bruit de la mer (selon le Lonely Planet), en fait j'entendais surtout le bang-bang des boîtes de nuit sur la plage. Plage où une colonie d'Allemands - qu'on se rassure je n'ai rien contre nos voisins germaniques mais ils adorent visiblement Goa - squattaient tous les matelas dès 8 heures du matin en prenant soin de laisser leur serviette sur chaque transat avant d'aller petit-déjeuner... Les Indiens sont des gens pudiques mais à Goa, certains deviennent voyeurs. Et comment leur en vouloir quand l'homo turisticus se balade les fesses à l'air (le string et le tanga sont à la mode, on dirait) et sa femelle, les mamelles dénudées pendant sur son ventre à bourrelets. Je n'exagère rien. Comme ils s'ennuient et que le mark (euh, pardon l'euro) est fort, ils achètent tout un tas de babioles aux vendeuses de la plage. Ce qui fait qu'il est impossible de bronzer tranquillement ou de bouquiner sans être interrompu toutes les deux minutes par un "Hello ! You want massage ? You want sarongs ? You want peanuts ? You want strawberries (oui, oui, des barquettes de fraises !) ? Etc, etc. Bref, c'est usant. Fort heureusement, les touristes balnéaires vont rarement à l'intérieur des terres et à Panjim, la capitale aux accents portugais comme à Velha Goa où l'on trouve autant d'églises au kilomètre carré qu'à Rome, ils ne se bousculent pas. Quand enfin vous quittez cette destination idyllique, vous vous retrouvez au milieu d'un charter de Russes à l'aéroport. Vous vous faites arracher un talon par un caddy et passer devant au contrôle des bagages par un malotrus qui vous insulte dans la langue de Tolstoi. Et là, vous vous apercevez que la plupart des babouchkas ont le visage carbonisé par le soleil et doivent souffrir le martyr, et vous vous dites in petto : cette fois, je tiens ma revanche...

samedi 19 décembre 2009

You and I

Merci à ceux et celles qui se sont inquiétés de mon absence mais j'étais partie à Goa pendant une petite semaine pendant qu'Eric rentrait se geler en France pour renouveler son visa... A la demande générale, voici le lien avec l'article dont j'ai parlé dans mon précédent billet. C'est en page 10. Soyez patient, le chargement est un peu long. Quant à savoir où je suis dans la page, un indice : je suis la seule à ne pas avoir remarqué qu'il faisait chaud dans la salle ... Et quant à Lilie in the valley, notre chroniqueuse de la politique locale, elle est tout sourire à côté de moi. Promis, j'ai un ou plusieurs billet(s) sur Goa en gestation et, en attendant, vous pouvez aller jeter un coup d'oeil aux photos qui défilent sur la droite avec enfin, des commentaires !

vendredi 11 décembre 2009

Kate, Vicky, Hugh & I

Lors de nos premières soirées "mondaines" à Hyderabad, la première chose que j'ai remarquée, c'est le nombre impressionnant de journalistes présents. J'ai pensé à toutes les conférences de presse que j'avais organisées et pour lesquelles je m'étais démenée comme une bête pour susciter un semblant d'intérêt de la part des médias, et me suis dit in petto dommage que je n'ai pas été attachée de presse dans ce pays ! Passé cet instant de surprise, quand vous vous prenez un énorme flash dans la figure parce que personne ne vous a prévenu qu'il ne faut JAMAIS se mettre au premier rang, vous commencez à vous tortiller sur votre chaise. Et lorsque vous essayez de savourer un solo de saxo ténor de ce tentet de jazz allemand (si, si ça existe) invité à se produire par le Goethe Zentrum, et que votre attention est parasitée par le 450è clic-clic d'un super reflex numérique, vous vous dites que des journalistes trop zélés, ça peut lasser. A la deuxième ou troisième soirée, vous commencez à ne plus vous étonner du nombre de photographes balayant la scène et le public de leurs objectifs ni à vous dire que les PR locaux ont bien fait leur job, ça devient normal. Aussi, lorsque je me suis retrouvée prise pour cible d'un paparazzi un peu trop insistant lors du concert de chants de Noël de l'Alliance Française, je n'y ai pas trop prêté attention. Pourtant, j'aurais dû me méfier quand Isabelle, la présidente de l'association des expats, m'a dit qu'un photographe de "You & I" lui avait demandé mon nom. Aujourd'hui, je vais faire mes courses à la supérette du coin et en tête de gondole, je trouve le fameux hebdo pipole local. Arrivée à la maison, je le feuillette et que vois-je ? Ma bobine sur papier glacé dans les pages "Around town" du magazine. Pas au milieu d'un groupe, non, en vignette avec mon prénom en guise de légende. Et quelques pages plus loin, je m'aperçois que Kate Hudson, Victoria Beckam, Hugh Grant et Leo Dicaprio ont visiblement intrigué auprès de leurs agents respectifs pour pouvoir partager la vedette avec moi ...

jeudi 10 décembre 2009

T Dream Comes True*

Quand on connaît un peu la vie de Gandhi on sait qu'une des armes les plus efficaces de ses croisades fut la grève de la faim. Elle a fait plier les Anglais, plus tard empêché un bain de sang à Calcutta, et il en a usé jusqu'à la fin de sa vie, la dernière à 77 ans. Le petit monsieur sur la photo n'a pas eu la vie d'ascèse du Mahatma. A 55 ans, il est plutôt décrit comme un bon vivant avec un foie malade et du cholestérol. Pourtant, depuis dix jours, l'Andhra Pradesh, son gouvernement, l'état fédéral à Delhi, les Hyderabadi et nous-mêmes, les étrangers vivant dans la ville, avons retenu notre souffle, suspendus aux bulletins de santé diffusés par le Nims, l'hôpital où on le soignait. Car K Chandrasekhar Rao, KCR pour tous, leader du TRS, le parti indépendantiste télenganais, a entrepris d'imiter Gandhi pour obtenir ce que lui et ses partisans réclamaient depuis 40 ans : la création d'un Telangana indépendant. Je ne vais pas vous refaire le film des événements de ces derniers jours car Lilie en a fait une brillante chronique quotidienne sur son blog (non, elle n'est pas étudiante en journalisme, elle enseigne le français à des Indiens !) mais on n'en menait pas large. Car tout peut basculer très vite dans le pays de la non-violence. C'est tout le paradoxe de l'Inde. Comme dit une petite futée que je connais : "On n'est pas chez les Bisounours". Les Indiens sont adorables dans leur ensemble mais certains sujets les font sortir de leur candeur, très vite. Samedi dernier, il a suffi qu'une rumeur annonce que KCR était tombé dans le coma, pour que des hordes de partisans mettent à sac les magasins, brûlent des bus et paralysent une ville de 8 millions d'habitants. Les policiers ont riposté en chargeant les étudiants à coup de lathi, ces bâtons à bout d'acier que leur ont laissé en souvenir les Britanniques. Sans parler des 22 suicides de fanatiques... Aujourd'hui devait être une journée noire, ville cadenassée, aéroport fermé, les partisans télenganais ayant appelé à une manifestation monstre. Là-dessus, le dernier diagnostic du médecin qui soigne KCR est tombé, alarmant. Hier soir, je me suis couchée seule (Éric a pris un vol dans la soirée pour aller chercher son visa de travail à Paris) en me disant que ce pourrait être la journée de tous les dangers, un jeudi noir en somme. Mais le gouvernement a cédé, le Telangana aura son état, Hyderabad respire, et nous avec. Et sur son lit d'hôpital, un petit bonhomme chétif a accepté son jus d'orange ...
* C'est le titre du Times of India de ce matin : le rêve (T)élenganais devient réalité.

lundi 7 décembre 2009

La femme est l'avenir de l'Inde (I)

Elle s'appelle Banda Karthika Reddy, elle a 32 ans. Hindoue, elle est diplômée en sociologie de Osmania University (OU), et c'est une sportive. Membre du Congrès, parti vainqueur des dernières élections municipales (GHMC), elle vient d'être élue à l'unanimité par ses pairs Maire du Grand Hyderabad qui représente 6 millions d'électeurs. Messieurs nos représentants, prenez-en de la graine ! Et, pour rappel, sur 1310 candidats présentés à ces dernières élections, 403 étaient des femmes ! La parité ici n'est pas juste un vœu pieux, c'est une réalité. D'autant que le ticket électoral tient aussi compte des diversités religieuses puisque le vice-Maire est un musulman, représentant le MIM, parti qui a talonné le Congrès en nombre de sièges aux dernières élections. Dans sa première conférence de presse, Mme Karthika Reddy, dont le mari est lui-même un homme politique influent, a promis d'améliorer la circulation à Hyderabad en renforçant le réseau de transports publics et en amenant ... le métro*. Ne tombons pas cependant dans l'angélisme. Certes, quelques femmes d'affaires, chefs d'entreprises, actrices de Tollywood font souvent la une des magazines business ou people locaux mais la société indienne m'apparaît encore largement dominée par le mâle. Ainsi, dans les hôtels, les magasins, les bureaux, même les salons de coiffure (!), les emplois qualifiés sont aux mains des hommes. On trouve souvent les femmes au bas de l'échelle, préposées au ménage ou à balayer les rues. Il n'est pas rare non plus de les voir au bord des routes charrier des tuiles sur leur tête ou des pierres dans leurs tabliers. Quant aux mendiants, ce sont bien souvent des mendiantes, très vieilles femmes usées ou jeunes mamans, leur bébé accroché sur la hanche. Enfin, dans la vieille ville à majorité musulmane, nombreuses sont les femmes à porter le hicham ou la burqa. Quant aux manifestations de la rue, plutôt nourries en ce moment, elles sont menées par des garçons, étudiants pour la plupart de la fameuse Osmania University, celle-là même dont Madame Le Maire est issue. Mais d'étudiantes, point.
* Message personnel à une lectrice qui se reconnaîtra, dommage que PP ait préféré les chaudières !

vendredi 4 décembre 2009

Toute première fois

Je sais, je devais vous parler des courses au supermarché mais, désolée, les mots ne viennent pas. A la place, je vous fais partager ma découverte du jour, ce séjour en Inde me fait l'effet d'une véritable cure de jouvence. Mieux que le botox, plus efficace que les injections à l’acide hyaluronique (si, si, ça existe), les soupes detox ou la méditation transcendentale, le secret c'est : rompre avec la monotonie de sa vie. Ici, depuis trois semaines, je fais des choses que je ne me serais plus cru capable de faire et je vis des toutes premières fois à la pelle. Prenez hier, je me suis retrouvée dans un quartier populaire et particulièrement animé, au milieu d'une manif d'étudiants (si vous voulez savoir pourquoi, elle en parle mieux que moi) et j'ai sorti mon Nikon de poche pour shooter comme si je flairais le scoop du siècle (dans chaque communicant, il y a un journaliste qui sommeille...). Plus tard, G. est venue me chercher en scooter (!) et nous avons fendu la foule pour foncer vers le General Bazar. G. a l'âge de mon fils, j'ai donc celui d'être sa mère, mais je vous assure qu'elle et moi sur notre deux-roues, c'était mieux qu'une pub du Comptoir des Cotonniers. Elle m'a entraînée dans une veritable caverne d'Ali Baba, quatre étages de tissus de rêve où elle achète des coupons de coton et de soie pour se faire confectionner sari et shalwar kameez, ces très pratiques et élégants ensembles pantalons, tunique trois-quart et étole (dupatta). Je m'en suis acheté un, tout blanc, avec des broderies et petits miroirs sur le décolleté, so chic ! Je vais le mettre demain soir pour la soirée blanche organisée par l'association d'expats. Pour l'occasion, je suis allée chez le coiffeur ce matin, deux heures (!) aux mains de Sai, un joli garçon comme ils le sont souvent ici, formé chez L'Oréal. Une demie-heure rien qu'au shampooing dont la moitié de massage crânien, le rêve... Et comme on est malgré tout rentré dans la période de l'Avent (je ne parle pas du temps qu'il fait ici, eu égard à ce que vous vivez...), mercredi soir, je suis allée écouter des chants de Noël. Une chorale d'Indiens parsemée de quelques occidentaux, les femmes en saris, les hommes en sherwani assortis, mettant toute la ferveur de leur Foi à entonner "Silent Night" ou "Joy to the World", j'en avais des frissons dans le dos. Vraiment, chéri, je me sens rajeunir !

mercredi 2 décembre 2009

Desperate (Indian) Housewife

Hier, nous avons aménagé dans notre nouvel appart. Après trois semaines passées à buller dans notre superbe hôtel, avec un personnel pléthorique constamment à nos petits soins, je commençais à ne même plus savoir ouvrir une porte ! Le temps de régler la caution et un mois de loyer d'avance, et Éric est reparti bosser me laissant avec les bagages. L'appartement me rappelle ceux de ma grand-mère en Espagne dans les années 70-80. Des pièces très larges et lumineuses, murs blancs, faux marbre au sol, lourdes portes en bois et des meubles robustes de style disons, rustique campagnard. Comme dit mon petit mari, on fera comme lorsqu'on était jeunes, on n'aura qu'à mettre des tissus indiens sur le canapé et les murs, ça tombe bien, on est en Inde... Il faut aussi que je trouve des bâtons d'encens ou des bougies parfumées pour cacher l'odeur de naphtaline dont j'ai trouvé des boules partout, et il ne me restera plus qu'à inviter Ravi Shankar. Je me suis ensuite attelée à faire l'inventaire de la vaisselle que j'avais réservée. En guise de verres, nous avons des timbales en fer blanc et à la place des verres à fruit que j'avais cochés sur la liste sans trop savoir, ... des chopes de bière. Les assiettes sont en mélamine blanc comme dans les dînettes, et j'ai découvert avec la plus grande perplexité certains ustensiles. Dommage que ma copine B. ne soit pas là pour m'expliquer... Et encore, je n'ai pas pris le chapathi making board. Je dois dire aussi que les Indiens (enfin le gérant de la résidence, ne généralisons pas) n'ont pas vraiment le sens pratique. Dans le salon, on trouve d'un côté de la porte-fenêtre des prises et de l'autre, le bureau scellé dans le mur et ... sans prise. Les placards de la cuisine sont si étroits que les assiettes ne rentrent pas dedans, et le menuisier n'a pas pensé à ajouter des étagères ce qui fait qu'on ne peut rien y mettre. Dans l'ensemble, je n'ai pas eu de mauvaises surprises à part une cuvette de toilettes déscellée qui fuit mais on m'a promis un plombier demain (No problem, M'am) et un néon de cuisine grillé mais l'électricien sera là demain, promis juré (No problem, M'am). Je ne voudrais pas choquer certains de mes lecteurs par des propos que l'on pourrait taxer de néocolonialisme mais d'après ce que j'entends autour de moi, ici plus qu'ailleurs, les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Une dernière chose qui m'a fait sourire, c'est que toute la journée sous un prétexte ou un autre, j'ai eu droit à un défilé de jeunes garçons pieds nus et rigolards. Pour venir m'apporter la table à repasser ou régler les chaînes de télé, ils viennent à trois ou quatre à chaque fois, leurs yeux noirs et brillants furetant partout. Allez, la prochaine fois, je vous raconte mes courses au supermarché.

vendredi 27 novembre 2009

La plus grande démocratie du monde (II)

Les élections municipales se sont achevées hier et sans surprise, elles ont été gagnées par le parti majoritaire. Je me trouvais avec une copine dans la vieille ville où nous venions de visiter le très intéressant Salar Jung Museum, quand notre voiture a croisé un cortège de sympathisants du Congrès. Les premiers résultats connus à la sortie des urnes donnaient le parti du tandem Gandhi-Singh largement gagnant et j'ai trouvé leur joie communicative. J'ai aussitôt ouvert ma vitre pour les saluer et prendre des photos. Ce matin, le Times of India, s'il confirmait la victoire - 52 sièges sur 150 - mettait un bémol à l'écrasante poussée annoncée. Mais en dehors de ces résultats dont je ne peux mesurer les enjeux étant là depuis trop peu de temps, j'avoue que je me suis passionnée par les à-côtés de ces élections. Par exemple, lundi a été déclaré férié par l'Etat de l'Andra Pradesh ce qui a conduit à une abstention relativement forte. 57 % ont préféré profiter de ce week-end prolongé pour faire autre chose comme se marier, car novembre ici c'est comme juin chez nous, c'est la saison des mariages. J'ai noté aussi à la lecture des journaux quelques tentatives de corruption. Des partisans de tel parti ont été pris la main dans le sac alors qu'ils essayaient d'acheter des voix et dans deux bureaux de vote, il a fallu revoter car au dépouillement, le nombre de bulletins était supérieur au nombre d'inscrits ! Plus cocasse, dans la vieille ville, à majorité musulmane, une quarantaine de femmes cachées derrière leur burqa auraient voté deux fois. C'est bien la première fois que l'idée d'une femme portant la burqa me fait sourire. Autre chose, chaque électeur ici se voit marquer d'un trait noir sur le majeur, trace longtemps indélébile si j'en crois notre chauffeur qui râlait hier. Il y a eu aussi quelques échauffourés, des insultes échangées et même des gifles, mais tout cela vite circonscrit par un dispositif de sécurité impressionnant. On était fouillé partout, encore plus que d'habitude. Last but not least, le jour des élections et celui du dépouillement étaient décrétés "dry days" ce qui en clair, signifie que l'alcool était interdit de vente même dans les hôtels et les restaurants. Lundi soir, par hasard, nous étions invités par l'Alliance Française à un concert de jazz sponsorisé par une marque de whisky où l'on a bu ... de l'eau.

mercredi 25 novembre 2009

La plus grande démocratie du monde (I)

Avec son milliard d'habitants, l'Inde est le deuxième pays le plus peuplé du monde mais, contrairement à la Chine, ses citoyens ont le droit de s'exprimer dans les urnes depuis la constitution de 1950. Lundi, c'était jour de vote à Hyderabad. On y élisait les représentants du peuple au GHMC, Great Hyderabad Municipal Corporation, pour faire court, les conseillers municipaux pour 150 circonscriptions. En tout, 1310 candidats se présentaient dont, notait la presse, pour la première fois 403 femmes. Le Congrès, parti de la majorité conduit pas Sonia Gandhi (sur l'affiche) et le premier ministre Manmohan Singh, avaient placé des candidats partout, et les principaux partis opposés, le TDP et le BJP, presque partout, tandis que le plus petit parti, le CPI n'en avait que 13. Pour rester dans les chiffres, 5718 bureaux de vote étaient disséminés dans le grand Hyderabad dont 1257 exclusivement réservés aux femmes et 1311 aux hommes, les autres étant mixtes. On a vu fleurir des affiches électorales partout en deux semaines et même au-delà de samedi 17 heures, limite légale pour les retirer. Le courrier des lecteurs du Times of India se faisait d'ailleurs l'écho de riverains mécontents de l'état des murs de leurs maisons, à quoi les politiciens répondaient que ce n'était là que l'expression de la démocratie. Des expats se sont vu réquisitionner leur chauffeur et sa voiture par l'armée pendant 48 heures pour emmener des électeurs à des meetings ou des bureaux de vote. On ose à peine imaginer le tollé si on faisait la même chose en France ! Quant aux programmes des candidats, le Congrès assurait de débarrasser Hyderabad de ses taudis (près de 1500) tandis que le TDP promettait de redonner à Hyderabad sa splendeur passée, rien que ça. Quant au PRP, il faisait miroiter à ses électeurs des quartiers pauvres l'approvisionnement en eau potable et autres équipements, approche peut-être la plus pragmatique à mon sens. (A suivre)

samedi 21 novembre 2009

Un cours qui fait recette

Le vendredi c'est cours de cuisine au Novotel. Enfin, cours est un bien grand mot. Deux Chefs Indiens (ni Cochise ni Geronimo) officient derrière leur piano et une vingtaine de dames, assises sur des tabourets hauts, les regardent préparer des plats. En fait, c'est plutôt le dernier salon où l'on cause. La classe est très dissipée et papote à qui mieux mieux dans un sabir international où l'anglais (langue véhiculaire) et le français (langue la plus représentée) dominent. Le grand Chef essaie d'expliquer à son auditoire agité les subtilités de la recette du jour, le macher johl, une spécialité benghalie à base de darne de poisson non identifié. J'essaie de me concentrer car il n'est pas facile à comprendre, et pour être tout à fait franche, les bavardages de mes trois voisines m'intéresse aussi. Au début, ça va, en gros, c'est comme chez nous. On lave et on sèche les darnes, on les enduit de farine et d'ail et on les fait frire jusqu'à ce qu'elles brunissent. Jusque là tout va bien. C'est après que ça se corse, c'est le cas de le dire, car on doit ajouter à la préparation du cumin, du coriandre, de l'oignon, encore de l'ail, de la pâte de gingembre et, puis du saunf, du kalonji, du masala. Comme disent mes voisines, la difficulté ce n'est pas tant de refaire les recettes une fois chez soi, c'est de trouver les épices. Car la cuisine indienne, c'est hot, hot, hot, qu'on se le dise. Enfin, là, le Chef avait dû tenir compte de nos palais délicats d'occidentales car le poisson était délicieux et not too spicy, pour une fois. En dessert, il nous a concocté des balushashi, sortes de beignets pour anorexiques car avant de les plonger dans l'huile bouillante, il convient de les tremper dans un sirop composé de 1 kg de sucre pour 1 kg de ghee ou beurre clarifié. Quand vous les saisissez dans vos doigts, l'huile et le sucre dégoulinent de conserve mais le résultat est étonnamment bon. Je ne sais pas pourquoi, tout à coup, une image s'est imposée à moi, à la place Chef du Novotel, j'ai vu Maïté à la télé préparant ses foies gras et ses salmis de palombe...

mercredi 18 novembre 2009

Du côté des petites filles

Au Charminar, l'attraction ce fut nous. Hyderabad a beau receler quelques joyaux architecturaux, elle est un peu oubliée des circuits touristiques en Inde du Sud qui se concentrent plutôt sur les côtes. Située au centre, sur le plateau du Deccan, elle ne manque pourtant pas de charme avec son riche passé islamique. Car quoique capitale d'un état peuplé à 95% d'hindous, elle est restée très musulmane. Le Charminar, édifié à la fin du 16è s. par le dernier roi de la dynastie des Qutb Chahi, abrite la plus vieille mosquée de Hyderabad, et est visité par de nombreux pèlerins. Nous avons du reste demandé notre chemin à des Indiens qui se sont presque excusés de n'être que des touristes comme nous, mais venus de l'état voisin du Karnataka. Autant dire que des Occidentaux blancs, on n'en voit guère ici et quelle n'a pas été ma surprise quand le père d'une petite fille a demandé à Eric si elle pouvait poser avec moi ! Personnellement, je photographie rarement les gens sans leur autorisation, et quand il m'arrive de le faire, à la dérobée, je me sens toujours un peu coupable. Mais là, de la petite fille ou de moi, je ne sais pas laquelle était la plus ravie. Ensuite, sa maman, qui portait le hicham mais n'avait pas le visage couvert, a souhaité m'être présentée. Je lui ai serré la main, elle m'a dit son nom - qu'hélàs je n'ai pas retenu - et je lui ai dit le mien. L'échange s'est arrêté là car elle ne parlait pas anglais et elle était plutôt intimidée. Du Charminar, nous sommes passés au Laad Bazaar tout proche. Nous étions samedi et des groupes de femmes faisaient leurs emplettes. J'ai été frappée par le nombre de musulmanes portant la burqa. C'est d'autant plus notable ici qu'elles cotoient dans la rue des hindoues qui elles, arborent des saris ou des salvar kameez multicolores. Il me semble que plus elles sont jeunes plus elles sont couvertes. Seule une fente laisse entrevoir leurs yeux émergeant de tout ce noir. Les petites filles de 8-10 ans qu'elles tiennent par la main portent des petites robes colorées et des rubans dans les cheveux et n'hésitent pas à vous dévisager en riant de toutes leurs dents. Je les imagine dans quelques années emmurées à leur tour et alors mon cœur se serre.

dimanche 15 novembre 2009

Ces merveilleux fous du volant

Nous avions donné rendez-vous au chauffeur affecté par la boîte d'Éric, à midi. Je précise ici qu'on ne joue pas aux nouveaux riches, mais pour des raisons de sécurité, conduire nous est interdit. Notre homme s'est pointé avec vingt minutes de retard, ce qui semble être la norme ici. De toute façon, nous n'étions pas pressés, c'était le premier jour de congé d'Éric depuis notre arrivée et nous avions hâte de découvrir enfin la ville. Nous avons pris place à l'arrière de la voiture où la clim marchait à fond et la ceinture de sécurité bien présente mais cassée. Qu'à cela ne tienne, c'est l'aventure, ai-je pensé. Je dois dire que j'ai déjà voyagé en Asie et en Afrique, mais la conduite en Inde c'est, comment dire ? quite an experience. La circulation y est totalement folle. Voitures, auto-rickshaws, motos, mobylettes, vélos, piétons se croisent, se dépassent, se frôlent, chacun poursuivant inexorablement son but et imposant sa loi à l'autre à grands coups de klaxons. Il n'existe que quelques feux tricolores, la plupart emboutis, et des policiers à quelques carrefours qui ont beau jouer du sifflet et froncer les sourcils derrière leurs ray-ban, ils n'impressionnent pas grand monde. Cela donne une impression d'un énorme chaos, sans règles ni lois mais où des codes tacites doivent exister car ... ça marche. Le covoiturage est aussi une pratique courante ici et il n'est pas rare de croiser une moto avec le père au guidon, le mère en amazone - sari oblige - et au milieu deux enfants dont un bébé d'à peine un an. Quant aux rickshaws censés transporter trois personnes derrière le chauffeur, ils abritent souvent une famille entière de cinq ou six personnes. Notre chauffeur roule prudemment et j'ai noté qu'il mettait son clignotant très longtemps à l'avance. Il ne s'énerve jamais mais a choisi comme sonnerie de portable un bruitage de verre cassé... pour conjurer le sort ? Au bout d'une heure, il nous a déposés au pied du Charminar, le plus important monument d'Hyderabad (j'y reviendrai) et c'est avec soulagement que nous avons mis le pied hors de l'habitacle. C'était sans se douter que ce serait pire dehors car là on devient ... piéton. Le temps de réaliser qu'en Inde, on roule à gauche et de penser à tourner la tête du côté d'où vient le danger, et j'avais déjà failli me faire renverser trois fois. Malgré ces émotions fortes, c'est à cet instant précis que je me suis dit in petto Cette fois, on y est !

jeudi 12 novembre 2009

Une fille complètement timbrée

Tous ceux qui connaissent les Indiens vous le diront, ils ont le défaut de leur qualité principale, la gentillesse : ils ne savent pas dire non. Ajouté à cela que nous résidons dans un hôtel raffiné où nous croisons à longueur de journée un personnel souriant et aux petits soins, qui vous ouvre la porte, vous pousse votre chaise et est à l'affût de vos moindres désirs. Jeunes gens en uniforme blanc ou jeunes filles en sari aux couleurs sobres, tous vous gratifient de leur plus beau sourire et, croisant les mains sur la poitrine, vous susurrent des "namaste" infinis. Autant dire que quand j'ai demandé un timbre pour l'Europe à la réception, je ne m'attendais pas à ce qui s'en est suivi. Bien sûr, il m'a d'abord été proposé de leur remettre la lettre que l'hôtel se ferait un plaisir de poster pour moi mais, bêtement, j'ai insisté pour coller un "vrai" timbre sur l'enveloppe. Après moultes discussions entre eux, ils sont tombés d'accord sur un affranchissement de 40 roupies. J'ai donc sorti un billet de 100 Rs de mon sac, ce qui les a encore mis dans l'embarras car il est clair qu'ils auraient préféré le rajouter à ma note. Mais justement, celle-ci étant remboursée par la boîte de mon mari, je n'y tenais pas. Le réceptionniste est parti avec mon billet et est revenu 20 minutes plus tard au bas mot avec mes timbres et la monnaie, ce qui ne m'a pas dérangée vu que j'étais plongée dans un livre passionnant. Lorsque j'ai vu la kyrielle de timbres qu'il me rapportait, je me suis demandée où diable j'allais pouvoir écrire l'adresse sur l'enveloppe mais, consciente de l'avoir déjà suffisamment mis dans l'embarras, je n'ai pas pipé mot. Dix minutes plus tard, mon charmant interlocuteur est revenu avec une facture en bonne et due forme que j'ai dû signer. Il m'a montré la ligne débit correspondant à la vente de mes timbres et celle du crédit prouvant que je les avais bien payés (apparemment, la notion de facture acquittée ne semble pas leur parler). Moralité de l'histoire, j'aurais dû réfléchir avant de demander !

mercredi 11 novembre 2009

La grippe H1N1 ne passera pas par l'Inde

A notre arrivée dans le flambant neuf aéroport Rajiv Gandhi d'Hyderabad, nous avons été accueillis par une cohorte d'employés arborant tous un magnifique ... masque vert. Dans l'avion, les hôtesses de la Lufthansa nous avaient remis un questionnaire - vert lui aussi - nous demandant si nous n'étions pas porteurs du virus H1N1 ou susceptibles de l'avoir contracté. A la question "avez-vous récemment voyagé dans une des zones affectées par le virus ?", nous avons jugé prudent de répondre non. Or, dans la liste des pays déjà touchés mentionnée dans ledit document, la France figurait en bonne place. J'avais une réponse hypocrite toute prête : et bien, non, nous n'avions pas voyagé ni traversé stricto sensu ce pays vu que nous y habitions. De toute façon, la vue du bataillon de médecins présents, la présence des appareils radiologiques sur place (!) et la menace de "quarantine" répétée sur tous les panneaux suffisait à nous persuader de faire profil bas. Moi qui sentais un rhume poindre à cause de la clim de l'avion, j'ai réfréné toute envie d'éternuer ou de sortir un kleenex. Bon, on l'aura compris, l'Inde peuplée d'un milliard d'habitants dont 7 millions juste ici, à Hyderabad, capitale de l'Andra Pradesh, ne veut pas de grippe et on la comprend. Il n'en demeure pas moins que cette arrivée sous haute surveillance au milieu de tous ces yeux noirs vous fixant par dessus leur masque avait un côté surréaliste. Et dire que c'est la première image que je retiendrai de notre arrivée en Inde !