mardi 24 août 2010

La faucille et le goupillon

Le Kerala, au sud-ouest de l'Inde, a la particularité d'avoir élu un gouvernement communiste dès 1957 et reste encore ancré à gauche.  L'Inde n'étant jamais à un paradoxe près, c'est aussi un des états qui compte le plus de chrétiens, 20 % environ. Stable politiquement, le Kerala est le bon élève de l'Inde : meilleur taux d'alphabétisation (91% contre 74% pour l'ensemble du pays), meilleure espérance de vie (73 ans contre 62), il est aussi celui où les femmes sont plus nombreuses que les hommes ! Le couple qui nous a accueillis chez eux lors du week-end de la Fête de l'Indépendance en est assez  représentatif. Catholiques, leur jolie maison kéralaise vieille de 150 ans et qui avec eux, abrite la 5ème génération, est remplie d'autels, de tableaux de saints dont St Crispin, le saint patron italien du maître des lieux. Sa femme, Soni, est institutrice laïque, et voue une adoration à la Vierge Marie. J'avais très envie d'assister à une messe en Inde depuis notre arrivée, pouvais-je rêver mieux que celle du 15 août ? C'est ainsi que ma copine Bev et moi nous sommes retrouvées en ce dimanche de l'Assomption, cheminant avec Soni vers l'église St John, paroisse de nos hôtes. Blanche à l'extérieur, et rose à l'intérieur, pas de doute, on est en Inde. Dès que j'ai pénétré dans la nef, je me suis revue petite fille au Pays Basque. Les hommes sont assis à gauche de l'autel, les femmes à droite, et les enfants occupent les premiers rangs. Chaque femme a la tête couverte de sa dupatta, et j'ai béni mon intuition qui m'avait fait prendre la mienne. Le prêtre était jeune, portant de même que les enfants de chœur la chasuble et le surplis comme les curés avant Vatican II chez nous. Je m'attendais à un office interminable, il n'en fut rien, et même si la messe était célébrée en malayalam, je n'ai eu aucun mal à la suivre. A une exception près, l'homélie a duré vingt minutes et ressemblait fort à une harangue. Sur le chemin du retour, Soni l'a commentée pour nous. Elle portait sur les noces de Cana, prétexte à rappeler que les enfants doivent obéissance et respect à leurs parents, sur la résurrection de Marie, et sur la "disparition" de Gandhi au moment de l'Indépendance ... Preuve que même à l'église, la politique n'est jamais loin au Kerala.         

mardi 17 août 2010

Rame, rame, rameurs, ramez

Voir 60 bateaux s'élancer sur la ligne de départ dont 19 snake boats, ces bateaux-serpents menés à la force des poignets par 115 rameurs, c'est ce que nous étions venus chercher ce samedi 14 août en assistant à la Nehru Trophy Boat Race qui se tient chaque année dans le Kerala. Et nous n'avons pas été déçus. Le départ de la course était prévu à 14 heures, détail que nous ignorions lorsque nous avons pris place à bord du bateau de notre hôte Crispin, à ... 8h30 du matin. Bien sûr, le temps que notre groupe composé d'une douzaine d'Indiens (mâles uniquement) et de deux couples de Français s'installe, que les gamelles de chapattis, de curry et autres plats roboratifs que nos amis ingurgitent au petit-déjeuner soient chargés, nous sommes partis une heure plus tard.  La joyeuse bande a alors attaqué son premier todhi, un infâme tord-boyaux à base de jus de canne fermenté dans lequel nous avons trempé nos lèvres par politesse.  Après une très jolie balade au milieu des backwaters, ces canaux qui quadrillent le Kerala, nous avons traversé le lac Punnamada pour arriver à l'endroit d'où nous allions suivre la course. Nous avions quatre heures à tuer et je regrettai de ne pas avoir pris un livre quand j'ai noté que comme toujours en Inde, le spectacle est autant dans l'événement que dans le public. Les bateaux et les houseboats se sont enchevêtrés les uns dans les autres, le tout dans la bonne humeur et la convivialité, chacun circulant d'un pont à l'autre pour partager blagues, paris, et toutes sortes d'alcools. Il faisait très chaud et nombreux sont ceux qui se sont retrouvés à la baille, volontairement ou pas. Enfin, la compétition a commencé et, un peu comme pour le Tour de France, on avait attendu des heures pour voir passer les coureurs en quelques minutes. Il est à noter que dans cet univers très macho,  quatre bateaux de femmes avaient réussi à s'aligner au départ de la course (bravo les filles !). La finale a donné lieu à une explosion de joie chez nos amis quand leur champion, le Kumarakom Town Boat Club, a gagné le trophée arraché au Jesus Boat Club (!) et remis par la Présidente de l'Inde* (eh oui, c'est une présidente) en personne. Il paraît que le snake boat vainqueur s'appelle le Jawahar, un bon présage comme l'a fait remarquer Crispin pour gagner le Nehru Trophy ...
* Ms Prathiba Patil est la Présidente de l'Inde depuis 3 ans.