dimanche 28 février 2010

Bollywood et la Dame de fer

A notre arrivée à Chennai - anciennement Madras - mon œil est attiré par d'immenses affiches d'au moins 6 mètres de large sur 4 de haut, sur lesquelles une accorte dame nous toise, son visage rond surmonté d'un mystérieux chiffre 62. Toutes les inscriptions étant en tamoul, il nous faut les explications de notre chauffeur Kumar pour les décrypter. Jayalalithaa, c'est son nom, chef du principal parti d'opposition du Tamil Nadu et ancien premier ministre de l'état, fête ce jour-là ses 62 ans. On peut s'étonner en Inde du véritable culte de la personnalité dont font l'objet certains personnages politiques et de ces affiches qui fleurissent un peu partout, non seulement à l'occasion d'élections mais aussi de toutes sortes de célébrations. Grâce à Kumar, nous apprenons que la dame en question est également une célèbre actrice des années 70. Plus tard, alors que nous nous promenons le long de la très belle plage de Marina Beach, nous traversons le parc MGR où repose une grande star du cinéma, véritable icône du cinéma tamoul, M.G Ramachandran, par ailleurs lui aussi ancien premier ministre de l'état. Bon, pour nous, cela peut paraître bizarre. Même si notre première dame est une ex top model reconvertie dans la variété, on n'en est pas encore à avoir Alain Delon comme président de la république. Les Indiens quant à eux, vouent un tel culte à leurs acteurs que la chose n'est pas si rare. Comme je suis curieuse, en rentrant de notre escapade dans le Tamil Nadu, j'ai voulu en savoir plus sur la fameuse Jayalalithaa et j'ai découvert qu'elle était la maîtresse du MGR en question qui l'a en quelque sorte propulsée en politique. Après un premier mandat de 1991 à 1996, elle a été soupçonnée de corruption, destituée, puis est revenue au pouvoir de 2002 à 2006. Elle a une réputation de "dame de fer" due notamment à ses prises de position très dures sur la question des Tigres Tamouls du Sri Lanka et de la politique de New Delhi à leur égard qu'elle juge laxiste. Enfin, ce 24 février était jour de liesse pour ses nombreux partisans et fans et a donné lieu à de nombreux meetings avec distribution gratuite de nourriture pour les pauvres et collectes de sang (!). Mais la dame ne s'est pas déplacée pour couper le gâteau de 62 kg que ses admirateurs lui avaient préparé. Star, vous avez dit star ?
Pour ceux qui veulent en savoir plus, c'est (merci Sally et François !)

mardi 23 février 2010

Une aussi longue absence

Mon intention était d'évoquer les tracasseries administratives dont ont été victimes ces derniers jours deux de mes amies. La bureaucratie Indienne, tout le monde vous le dira, est une sorte de monstre aux multiples bras un peu à l'image de ces représentations de Shiva ou Ganesh sur les temples. Lilie est coincée au Sri Lanka, son retour en Inde est compromis pour un problème de visa, et en gros, elle a le choix entre la peste et le choléra ce qu'elle explique très bien . Agnès était venue pour son travail à Delhi et elle et son mari en avaient profité pour passer quelques jours chez nous. Son retour a été un mauvais remake d'un jour sans fin. Tout ça parce qu'elle avait oublié d'avoir avec elle la copie de son billet de retour Delhi-Paris. Lorsqu'elle est sortie de l'aéroport domestique, elle n'a plus été autorisée à rentrer dans l'aéroport international. Son voyage a duré 48 heures, et a viré au cauchemar, cauchemar qui aurait pu lui être évité si le policier en faction avait fait montre d'un peu de mansuétude. En trois mois, j'ai accumulé tellement d'anecdotes sur le sujet que je pense que j'aurai de quoi y revenir. A la place, je vais me contenter de rassurer mes fidèles lecteurs, je vais bien, ne vous en faites pas. La douceur de l'hiver à Hyderabad a laissé la place à un printemps anormalement chaud, à tel point qu'on se demande déjà ce que sera l'été dont le pic des chaleurs est annoncé en mai. Nous avons commencé à mettre les ventilateurs dans la journée et l'air conditionné en début de nuit. Si je le pouvais, croyez bien que je vous enverrais généreusement ciel bleu, soleil et un peu de cette chaleur qui commence à nous faire tourner au ralentis. A la place, je vous offre cette fleur de frangipanier dont les effluves embaument en ce moment les jardins du Chowmahalla Palace. Demain, nous partons pour quelques jours dans le Tamil Nadu, sur la Côte de Coromandel. De Madras à Pondichéry - deux noms qui me font rêver depuis que je suis toute petite - , je vous promets de faire le plein d'images, de sensations et de matière à de prochains petits billets. Namaste à tous !

vendredi 12 février 2010

Faim d'apprendre

Quand notre nouvelle amie Isabelle nous a proposé de nous emmener visiter une école de campagne, j'étais loin de m'attendre à ce que j'allais trouver. Après quarante minutes de petites routes au milieu de rizières et autres paysages bucoliques, nous avons pris un petit chemin cahoteux et traversé un ou deux villages très pauvres avant de découvrir l'école. Deux ou trois bâtiments délabrés, un projet de chantier d'agrandissement commencé il y a deux ans et jamais terminé, et dans la cour, quelques arbres plantés par une équipe de volontaires mais qui ne donneront pas d'ombre de sitôt. La Maharajpet Government School, c'est son nom, est en fait un établissement scolaire qui regroupe 10 classes de la petite maternelle à la seconde. Le principal nous attendait, prévenu à la dernière minute de notre visite, sinon les écoliers auraient préparé notre accueil en grandes pompes ce qui aurait perturbé leur travail. Isabelle, en bonne ancienne instit qu'elle est, veille à ce que pour ses protégés, apprendre reste la priorité. Le plus triste, ce sont les tout-petits. Leur maîtresse fait de la garderie, d'ailleurs elle s'est précipitée dans la classe quand nous sommes arrivés. Ils jouent à même le sol battu ou sur quelques tapis usés jusqu'à la corde avec un ballon, quelques jouets ou des ardoises apportés par d'autres avant nous. Quand j'ai demandé naïvement à Isabelle pourquoi ils étaient là dans ces conditions, elle m'a répondu avec sa franchise habituelle : "Ben, pour manger !" Le gouvernement Indien veut combattre l'analphabétisme dans les campagnes et fournit les repas. Ainsi, les parents mettent leurs enfants à l'école dès leur plus jeune âge, et ils y prennent goût et font tout pour y rester. La plupart des plus grands, en primaire, étaient assis en tailleur à même le sol, seuls les grands du collège avaient droit à des tables et des chaises, souvent suite à un projet de soutien. La cuisine est tenue par un couple qui vit sur place et on se demande comment il fait pour servir 250 repas par jour avec juste un énorme faîtout sur un réchaud au gaz, dans des conditions d'hygiène et de confort plus que sommaires. Un des projets de rénovation de l'école, raison de notre visite, est de réhabiliter la cuisine. L'été dernier, des étudiants de Glasgow ont passé tout leur été à construire des toilettes dans la cour. Le plus cocasse, si on avait le cœur à rire, c'est la salle informatique. Le gouvernement a fourni une quinzaine d'ordinateurs que les jeunes Ecossais ont installés lors de leur séjour, oui mais voilà, dans les campagnes il n'y a pas d'électricité de 9 heures à 18 heures ! Qu'à cela ne tienne, des cours sont quand même organisés de 8 à 9 et les gamins viennent à pied, de très loin parfois, pour ne pas les manquer. Un générateur serait la solution mais il faudrait 50 roupies par heure (75 centimes d'euro) pour le faire marcher et l'école n'a pas de budget. D'après Isabelle, cette situation n'a rien d'unique, elle concerne toutes les écoles publiques de l'état et même de l'Inde toute entière. On ne ressort pas indemne d'une visite comme celle-là mais ce qui émerge de ce trop plein d'émotions, c'est le sourire de ces enfants, leur envie d'apprendre et leur fierté de nous la faire partager...

lundi 8 février 2010

Ma vie de princesse

L'une de mes copines est une sacrée petite futée. Non seulement, elle sait analyser une situation ou jauger une personne avec beaucoup de perspicacité mais elle a aussi un sens inné des formules. Quand mon mari a décidé de louer un studio non loin de la maison pour s'en faire un labo photo, elle lui a finement fait remarquer : "En somme, c'est ta cabane". Là, nous étions invités chez elle et son compagnon qui fait le même métier que mon mari, et nous évoquions notre vie d'expat. Comme je lui demandais si elle n'était pas tentée par l'aventure, elle me répondit tout à trac : "Quoi, tu veux dire vivre une vie de princesse ?". Ca m'a fait sourire et c'est vrai qu'à bien des égards, je vis en ce moment un conte de fée. D'ailleurs, je m'en suis aperçue pendant ces deux semaines en France où tous mes soucis sont revenus me hanter alors que quand je suis ici, je n'y pense presque pas. Ce pays me fait vraiment de l'effet, ce dont j'étais loin de me douter quand j'ai choisi le nom de mon nouveau blog. Cela pourrait devenir un problème à terme, et j'ai parfois l'impression que je pourrais lasser avec mes évocations d'un ciel toujours bleu, d'un climat clément la plupart du temps, d'une vie oisive et de préoccupations de nantis comme celle de trouver un chauffeur sachant parler anglais ... Pourtant, en cherchant bien, tout n'est pas rose (indien) dans cette vie de rêve. Tenez, en ce moment même, j'écris parce que j'ai été réveillée à une heure du matin par une meute de chiens qui hurlaient à la lune en se répondant comme dans les 101 dalmatiens. Impossible de me rendormir car pendant mon premier sommeil, j'ai servi de festin à une horde de moustiques et tout en tapant sur mon clavier, je me gratte furieusement. Dans quelques heures, le muezzin va nous appeler à la première prière, celle de 5 heures du matin. Je ne suis pas plus concernée que la plupart de mes voisins qui sont hindouistes mais comme dit mon petit mari, c'est à ça qu'on voit que l'Inde est un pays tolérant, quand une toute petite minorité empêche la majorité de dormir (je vous sers la version "soft"). Quand j'aurai malgré tout réussi à gagner quelques heures de repos, nos voisins vont se lever et dire qu'ils sont bruyants est un euphémisme. D'abord, les fenêtres des salles de bain ne ferment pas, elles sont juste faites de lamelles de verre à claire-voie. L'indien moyen ne se lave pas les dents comme vous et moi, non, il se racle la gorge pendant vingt minutes au bas mot, en expectorant de façon si poussée qu'au début on le croit atteint d'une tuberculose en phase terminale. Ensuite, le petit dernier de la famille va pousser des cris stridents si effrayants qu'on se demande d'abord si on n'est pas en présence de cas de maltraitance caractérisée. La première fois, j'allais appeler la DDASS locale quand on m'a dit que jusqu'à deux ans, l'enfant indien est un enfant-roi qu'on ne contredit jamais. Son seul mode d'expression ce sont donc ces hurlements à vous fendre l'âme. Au bout de quelques jours, toute pitié a disparu, et vous le jetteriez bien par la fenêtre. Enfin, si j'écris à cette heure de la nuit, c'est parce que tous les matins, à l'instant précis où l'on meurt d'envie d'une tasse de café et d'aller lire ses messages, toutes les prises (mais pas forcément les éclairages) connaissent une coupure d'électricité. Alors, elle est pas belle ma vie de princesse ?

vendredi 5 février 2010

Heureux qui comme Ulysse

Voyager c'est bien, arriver c'est mieux. Nous venons de poser nos bagages dans notre home sweet home Indien, 48 heures après avoir donné un tour de clé à notre appartement rennais. 48 heures qui m'ont paru le double. Nous avons d'abord pris le TGV jusqu'à Montparnasse, un jour de grève SNCF, mais bon, on a eu de la chance, notre train était bien en partance. De là, métro jusqu'au service des visas de l'Ambassade de l'Inde où nos précieux sésames nous attendaient. Un an de validité, il ne nous reste plus qu'à demander sous quinzaine notre permis de résident et nous serons enfin de vrais expats ! Retour à Montparnasse pour attraper un car Air France qui en une heure (deux fois moins qu'à l'aller) nous a conduits à notre hôtel de Roissy-Pôle. Dernier repas français (petit salé aux lentilles pour moi et magret de canard pour Eric !) avant une nuit dans une de ces chambres passe-partout propres à ce genre d'hôtel. Le lendemain, départ matinal pour Charles-de-Gaulle, aérogare 2B. Joyeuse pagaille à l'enregistrement du vol pour Mumbai, pour un peu on se serait déjà cru en Inde... Enfin, après d'interminables formalités de police, nous embarquons à peu près à l'heure et prenons place à bord de l'Airbus d'Air France plein comme un oeuf. En classe éco, quand la cabine est bondée, on n'a pas beaucoup de place mais heureusement, la vidéo embarquée aide à passer le temps. Huit heures, un dîner, une collation, trois films et deux épisodes de Desperate Housewives plus tard, nous débarquons enfin à Mumbai. A nouveau une queue en serpentin pour présenter passeports et visas à de sourcilleux et moustachus policiers. A chaque fois, je note le regard interloqué du préposé à la PAF à la vue de mon passeport. Sur la photo, je ressemble à une réfugiée mexicaine de Tijuana et j'attends avec impatience celui qui me dira : "Vous êtes mieux au naturel, Madame." Là, nous sommes arrivés dans la partie internationale et nous devons récupérer nos valises. Ceux qui voyagent connaissent l'appréhension qui vous gagne quand la gueule béante au-dessus du tapis roulant tarde à recracher vos bagages. Enfin, le compte est bon, il ne reste plus qu'à attendre une demie-heure la navette qui en une vingtaine de minutes nous déposera à l'aéroport national. Il est 1 heure 30 du matin à Mumbai (21 heures à Paris) et il nous faut attendre jusqu'à 6h30 le départ du vol domestique. Re-passage de la sécurité (en Inde, les femmes sont séparées des hommes et contrairement aux toilettes, c'est un avantage car on est moins nombreuses) et enfin, l'enregistrement pour Hyderabad. Et là, surprise, le bus de piste refait exactement le même trajet en sens inverse que celui que l'on a fait avec la navette au début de la nuit ! Vingt minutes après, nous voilà enfin à bord d'un Boeing 737-300 aussi spacieux que l'Airbus d'Air France pour "seulement" une heure trente. Le sommeil aide à passer cette dernière étape en douceur. A l'arrivée, il ne nous reste plus qu'à attendre nos valises, repérer notre chauffeur et regagner nos pénates en quarante minutes. On se sent sale, vasouillard, vaguement nauséeux, mais content d'être arrivé à bon port. Le prochain qui dit que les voyages forment la jeunesse ...