lundi 6 septembre 2010

Ce que femme veut

Cette jeune mère sereine qui pose sur le pas de sa porte se prénomme Tirumala. Elle semble frêle et intimidée mais ne nous y fions pas. C'est une jeune femme certes - elle n'a que 23 ans - mais elle sait ce qu'elle veut et comment l'obtenir. Tirumala est la jeune  épouse de notre chauffeur Ravinder qui, samedi, lui a demandé de cuisiner pour nous et de nous recevoir dans leur humble demeure. Deux pièces, une chambre où le lit occupe toute la place et où parents et enfants dorment ensemble, et une cuisine dans laquelle on met une paillasse pour la belle-mère quand elle vient du village aider sa fille. Et elle vient souvent cette "Auntie*" comme l'appelle Ravinder  car Tirumala est sa fille unique et ce que veut Tirumala, ces parents le lui donnent... A commencer par un mari. Ravinder m'a raconté l'histoire de son mariage. Loin de son village, il s'était choisi une fiancée en Andhra, alors que sa famille est du Telangana. Il était tellement amoureux qu'il avait réussi à convaincre ses parents malgré leurs cris et leurs larmes face à cette "mésalliance". Quinze jours avant le mariage, il est revenu au village apporter les cartons d'invitation à ses connaissances. C'est ainsi que l'on fait en Inde, on se déplace pour inviter proches ou moins proches, le nombre de convives étant un signe extérieur de richesse. Quand il est entré chez Tirumala et ses parents (le beau-frère du frère de son père), la belle n'a eu d'yeux que pour ce beau parti. C'est que Ravinder, plutôt joli garçon, vit dans la capitale, Hyderabad, et a une belle situation, chauffeur de maître pour des "blancs", avec sa propre voiture. Tirumala la petite fille gâtée par ses parents, a tempêté, pleuré, menacé de se suicider, l'a harcelé au téléphone, et a obtenu ce qu'elle voulait. Sa famille et celle de Ravinder ont contraint celui-ci à rompre ses fiançailles avec l'élue de son cœur. L'affaire a été rondement menée et, à quelques jours près, la cérémonie a bien eu lieu comme prévu mais avec une autre promise. Lorsque j'ai demandé à Ravinder si il était heureux trois ans après, dans le rétroviseur, j'ai vu son regard s'embuer quand il m'a répondu : "Elle m'a donné deux beaux fils"...
* Les Indiens appellent leurs aînés Auntie (tante) et Uncle en signe de respect.         

21 commentaires:

le bord doré des nuages a dit…

c'est une bele histoire et aussi une sublissime photo, bravo petite poule noire et belle fin de séjour làbas...

Eperra a dit…

Merci Béatrice, c'est en effet une belle histoire quoique un peu triste. Quant à la photo, elle est de mon mari BrB, et en effet, il a réalisé une très belle série de portraits de la petite famille...

marie-madeleine a dit…

Quelle histoire!! je trouve ça bien triste que ce garçon n'ait pas pu suivre l'élan de son coeur. Mais il semblerait que tout est bien qui finit bien grâce aux enfants

Hermione a dit…

Mais non ce n'est pas du tout une belle histoire ! Évidemment, pour une fois, ce n'est pas la fille qui est victime d'un mariage arrangé, mais ce n'est pas plus drôle dans l'autre sens.

Lilie a dit…

Oh c'est trop triste, pauvre Ravinder, il est tellement gentil ! Mais je ne suis plus surprise par le nombre d'histoires de ce genre qui se déroulent en Inde.
Elle est gentille et/ou belle au moins sa femme ?
Vous rentrez quand au fait ?
Bises

Eperra a dit…

- A Marie-Madeleine, les enfants sont effectivement une grande consolation mais il me semble que son amour perdu est toujours dans son cœur ...
- A Hermione, je comprends ton indignation. C'est une histoire triste mais presque commune ici où bien peu de mariages sont des mariages d'amour. Il faut dire que le respect des parents est tellement présent qu'il y a une forme de contentement à s'y plier.
- A Lilie, elle est très jolie quand elle sourit et elle a l'air de savoir ce qu'elle veut. Avec nous, elle a été très gentille. Je n'aurais jamais soupçonné cette histoire si je n'avais pas interrogé Ravinder. Ils ont l'air sinon heureux du moins se contentant de ce qu'ils ont. Tu connais les Indiens...
On rentre fin septembre, la date n'est pas encore fixée. Je te tiens au courant, bien sûr.

Simplement ... a dit…

Capricieuse et gâtée c'est tout !!!
Un beau sourire mais ...
Bisous
Marie-Ange

Brigitte a dit…

Là , c'est l'homme qui est pris au piège .

bricol-girl a dit…

Triste peut-être mais je salue bien bas "la performance" de la jeune femme, mariage forcé à l'envers ça méritait bien un billet.

Satsuki a dit…

Ah oui, elle me fout un peu les jetons, Tirumala, maintenant… 

Astia a dit…

Comme quoi, il existe des histoires de femmes ayant choisi leur époux! Personnellement, j'en ai connu plus d'une...mais pas aussi capricieuses que Tirumala. Mais dans l'histoire, le plus dur c'est l'autre femme, larguée, qui a du vivre l'enfer... sans avoir pu trouver de mari après et en essuyant le "déshonneur" causé par cette promesse de mariage rompu. l'honneur, maître mot de l'éducation indienne! Je comprends que Ravinder ait eu les yeux embués.

Eperra a dit…

- Oui, Astia, comme toi j'ai pensé à "l'autre femme". D'après Ravinder, ses parents ont reçu de l'argent en compensation. Mais comme tu dis, le déshonneur d'avoir été répudiée à 15 jours de son mariage a dû être une épreuve pour elle. Il paraît qu'elle est mariée à présent. L'histoire ne dit pas si elle est heureuse mais j'en doute ...

Valérie de Haute Savoie a dit…

C'est terrible de penser que la tradition peut détruire une vie de la sorte. Parce que même s'il n'est pas malheureux, il vit sans doute avec ce regret plutôt que de vivre pleinement.

lakevio a dit…

Je trouve cette histoire terrible...
Cette grande fille gâtée a obtenu ce qu'elle voulait non par amour mais par intérêt et envie. Il est évident que les amoureux séparés auront toujours au fond du coeur le regret de ce qui aurait pu être... Et finalement, elle se satisfait de peu puisqu'elle n'aura jamais l'essentiel... Oui, c'est très triste.

Très bon retour en France, Marie. Tu vas revenir riche d'odeurs, couleurs, chaleur et bruit (ce sont les premières impressions de ma fille !)
Je t'embrasse.

Christelle a dit…

C'est une belle histoire parce que tu la racontes si bien, mais je la trouve infiniment triste. Toute cette résignation, le déchirement que ça a dû être des deux côtés... Et qui restera, forcément, malgré "les deux beaux fils". Bises à vous deux et à très bientôt au bord de la Vilaine !

Eperra a dit…

Merci à vous les filles ! C'est une histoire qui interpelle effectivement.

lakevio a dit…

Coucou, petite poule noire !
Elle s'en va et tu reviens... Elle est à Dehli en stage à France 2 jusqu'au 29 octobre. Elle a ses WE de libre et même parfois plus et va en profiter pour voir le pays ! Aujourd'hui, c'est départ pour Jaipur.
Bises

liwymi a dit…

Je viens de lire "Tigre blanc", sur un chauffeur de maître en Inde. Un très bon roman, mais très négatif sur l'état de la société indienne ! L'as-tu lu ?

Tout le monde semblent choqué par l'attitude cette jeune femme. Pas moi... Je dois être profondément immorale ;))

Eperra a dit…

Bienvenue Liwymi, on se connait, tu as un blog ? Oui, bien sûr, j'ai lu le Tigre Blanc, un bon livre plutôt cynique. Ce qui m'a le plus troublée c'est qu'en conclusion il dit que c'est la démocratie qui freine l'Inde (en comparaison à la Chine). Dans le même genre, je lis "Six suspects" de Vikas Swarup (il vient de sortir en français mais je ne me rappelle pas du titre) édifiant lui aussi sur la politique et la corruption dans ce pays !
Quant à l'histoire de Ravinder et de Tirumala, ce qui choque c'est que c'est un mariage arrangé comme la plupart du temps mais pour une fois, c'est l'homme le perdant.

liwymi a dit…

Oui, oui, on se connaît ! Tu as d'ailleurs laissé un commentaire sur mon blog il y a qqs jours (il y était question de dent de lait jetée dans l'évier) ;))

A mes yeux, l'auteur de "Tigre blanc" fustige plutôt une fausse démocratie, et le poids de certaines traditions. Mais je ne connais pas du tout l'Inde, je ne suis pas du tout à même de juger.

J'apprécie le regard chaleureux que tu portes sur ce pays. Cela m'a permis de relativer ce que je lisais dans le roman d'Aravind Adiga.

Eperra a dit…

Je me disais aussi que je connaissais ce style ;)sans parler du petit poisson qui va souvent à contre courant des autres ;)