
L'une de mes copines est une sacrée petite futée. Non seulement, elle sait analyser une situation ou jauger une personne avec beaucoup de perspicacité mais elle a aussi un sens inné des formules. Quand mon mari a décidé de louer un studio non loin de la maison pour s'en faire un labo photo, elle lui a finement fait remarquer : "En somme, c'est ta cabane". Là, nous étions invités chez elle et son compagnon qui fait le même métier que mon mari, et nous évoquions notre vie d'expat. Comme je lui demandais si elle n'était pas tentée par l'aventure, elle me répondit tout à trac : "Quoi, tu veux dire vivre une vie de princesse ?". Ca m'a fait sourire et c'est vrai qu'à bien des égards, je vis en ce moment un conte de fée. D'ailleurs, je m'en suis aperçue pendant ces deux semaines en France où tous mes soucis sont revenus me hanter alors que quand je suis ici, je n'y pense presque pas. Ce pays me fait vraiment de l'effet, ce dont j'étais loin de me douter quand j'ai choisi le nom de mon nouveau blog. Cela pourrait devenir un problème à terme, et j'ai parfois l'impression que je pourrais lasser avec mes évocations d'un ciel toujours bleu, d'un climat clément la plupart du temps, d'une vie oisive et de préoccupations de nantis comme celle de trouver un chauffeur sachant parler anglais ... Pourtant, en cherchant bien, tout n'est pas rose (indien) dans cette vie de rêve. Tenez, en ce moment même, j'écris parce que j'ai été réveillée à une heure du matin par une meute de chiens qui hurlaient à la lune en se répondant comme dans les 101 dalmatiens. Impossible de me rendormir car pendant mon premier sommeil, j'ai servi de festin à une horde de moustiques et tout en tapant sur mon clavier, je me gratte furieusement. Dans quelques heures, le muezzin va nous appeler à la première prière, celle de 5 heures du matin. Je ne suis pas plus concernée que la plupart de mes voisins qui sont hindouistes mais comme dit mon petit mari, c'est à ça qu'on voit que l'Inde est un pays tolérant, quand une toute petite minorité empêche la majorité de dormir (je vous sers la version "soft"). Quand j'aurai malgré tout réussi à gagner quelques heures de repos, nos voisins vont se lever et dire qu'ils sont bruyants est un euphémisme. D'abord, les fenêtres des salles de bain ne ferment pas, elles sont juste faites de lamelles de verre à claire-voie. L'indien moyen ne se lave pas les dents comme vous et moi, non, il se racle la gorge pendant vingt minutes au bas mot, en expectorant de façon si poussée qu'au début on le croit atteint d'une tuberculose en phase terminale. Ensuite, le petit dernier de la famille va pousser des cris stridents si effrayants qu'on se demande d'abord si on n'est pas en présence de cas de maltraitance caractérisée. La première fois, j'allais appeler la DDASS locale quand on m'a dit que jusqu'à deux ans, l'enfant indien est un enfant-roi qu'on ne contredit jamais. Son seul mode d'expression ce sont donc ces hurlements à vous fendre l'âme. Au bout de quelques jours, toute pitié a disparu, et vous le jetteriez bien par la fenêtre. Enfin, si j'écris à cette heure de la nuit, c'est parce que tous les matins, à l'instant précis où l'on meurt d'envie d'une tasse de café et d'aller lire ses messages, toutes les prises (mais pas forcément les éclairages) connaissent une coupure d'électricité. Alors, elle est pas belle ma vie de princesse ?