vendredi 23 juillet 2010

Lettre à France

Dans 24 heures, nous nous envolons vers toi, chère France. Si tout va bien, que Kingfisher (une compagnie aérienne qui a un nom de bière, il n'y a qu'en Inde qu'on voit ça...) nous amène sains et saufs à Delhi, puis que notre compagnie nationale préférée assure bien notre traversée de neuf heures jusqu'à Paris, nous devrions poser le pied dimanche à la fraîche sur ton sol, chère et douce France. Éric n'est pas rentré depuis six mois, il est en manque de  toi, de camembert, de côtes de boeuf et du Rhône, il l'a même écrit sur son "mur" Fessebouc, je ne sais pas ce que tu en penses mais ça a l'air grave... Avant de te retrouver, chère France, je voudrais te raconter une savoureuse petite histoire indienne qui me fait quitter ce pays - provisoirement - sur une notre optimiste. Voilà. L'Inde attend incessamment un heureux événement. Ce serait pour demain, qui sait, peut-être même pendant que nous serons à bord du bel oiseau blanc à la queue tricolore qui nous ramènera vers toi. Ce serait une fille. Je n'ai pas compris exactement comment on peut le savoir étant donné que la maman se balade dans la nature mais bon, une histoire d'empreinte ADN relevée dans ses excréments, je crois. Même si depuis novembre, j'ai fait de gros gros progrès dans la compréhension des infos sur IBN-CNN, parfois certains commentaires m'échappent.  Bon, revenons à notre bébé mystère. Non, ce n'est pas le rejeton d'Abhi-Aish*, le couple le plus glamour du cinéma de Bollywood, c'est, c'est, tu donnes ta langue au chat ? Là, tu brûles, car on attend la naissance d'un, d'un petit ... tigre ! Et ici, c'est hyper important et l'enjeu, de taille, juges-en par toi-même. Au début du 20è siècle, il y avait 100 000 tigres à l'état sauvage dans le monde dont 40 000 en Inde. Tu as dû lire Kipling à l'école communale, tu sais celle où flottait ton drapeau en des temps antédiluviens, tu connais donc l'importance des tigres en Inde. Or, en 2010, ils ne sont plus que 1411. Tous répertoriés, dotés d'une puce, puis remis en liberté. Mais demain, ils seront 1412 ! C'est dommage que je n'ai pas mon mot à dire car comme cadeau de retrouvailles avec toi, cette petite tigresse, j'aurais bien proposé qu'on l'appelle ... France ! 
* Abhishek Bachchan et Aishwarya Rai Bachchan 

lundi 19 juillet 2010

Hyderabad Rocks !

Si vous arrivez à Hyderabad pour la première fois depuis le nouvel aéroport de Shamshabad, votre regard sera forcément attiré par d'énormes rochers que l'on aperçoit depuis la route, certains vierges, d'autres recouverts de peintures, voire de numéros. Nous sommes sur le plateau granitique du Deccan, au centre de l'Inde et, d'après les géologues, certains de ces monolithes sont là depuis 2,5 milliards d'années (!) et comptent parmi les plus vieux du monde. Pourtant, leur préservation ne va pas de soi. La formidable expansion d'Hyderabad  et de sa jumelle, Secunderabad, dont la population a plus que doublé en 5 ans, fait que certains de ces formidables géants de pierre ont été détruits ces dernières années pour faire place à des routes ou à des immeubles. Une poignée d'amoureux de ces vieilles pierres s'en sont ému et ont créé une association, the "Society to Save Rocks". Ils mènent entre autres une campagne pour inciter les architectes et les paysagistes à intégrer les rochers dans les  hôtels, les résidences ou les villas de particuliers, et le résultat est étonnant. Le parc ou le jardin ainsi paré prend une dimension "zen" et l'ambiance change du tout au tout. Le premier hôtel où nous avons séjourné en arrivant a su tirer le meilleur parti de ce décor naturel et on ne saurait l'imaginer autrement. Cependant, la meilleure alliée de nos Don Quichotte du plateau du Deccan reste la religion. Que le rocher se transforme en temple dédié à la déesse Kâlî ou qu'une petite mosquée vienne s'y adosser et aussitôt, il est entouré d'une aura protectrice qui le soustrait à toute velléité de démolition. Enfin, grâce au soutien du gouvernement de l'Andhra Pradesh, de plus en plus de ces boulders sont répertoriés et intégrés au patrimoine de l'état. La "Society to Save Rocks" organise une fois par mois des marches et dimanche, nous étions de la balade. Comme souvent dans cette mégapole, l'ambiance était internationale et œcuménique. Anna la Suédoise, Anja et Frauke les Allemandes, Page et John les Américains, et nous les petits Frenchies, avons accordé nos foulées avec celles de  nos compagnons Indiens, Uma, Padmini, Lavanya, Joy et les autres... Together to Save rocks !   

lundi 12 juillet 2010

Pince-fesses chez le Consul

135, c'est le chiffre du jour. 135 ? Qu'on se le dise, nous sommes 135 Français à Hyderabad, enfants compris ! C'est la principale information que j'ai retenue du speech de notre Consul samedi soir. Quand je dis "notre" consul, c'est en fait celui de Bangalore car bien que notre nombre ait plus que doublé en un an, nous ne sommes pas encore assez nombreux pour que le Quai d'Orsay nous délègue quelqu'un à temps plein. Donc pas de garden-party à l'Elysée le 14 juillet d'après la rumeur, mais samedi pour nous, c'était soirée pince-fesses dans un grand hôtel à l'invitation de la France. Tous ceux qui n'étaient pas encore partis en vacances et qui depuis des mois rêvaient de remplacer le Sula Blanc pétillant par du VRAI champagne, ont accouru. Las ! du champagne, seuls les early birds auront réussi à en avoir plus d'une coupe. La République fait des économies et ça se sent. Les petits fours eux aussi étaient au régime minceur et les pique-assiettes en auront été pour leur frais. A Hyderabad, nous n'avons pas de Consulat mais nous avons une Alliance Française qui travaille main dans la main (comme Mitterrand et Kohl sur une célèbre photo) avec le Goethe Zentrum. Cette collaboration Kulturelle donne régulièrement lieu à des concerts de jazz (pourquoi le jazz et pas la musique classique, aucune idée) et c'était le cas samedi. Après le cocktail tricolore, nous avons donc retrouvé nos amis allemands, belges, indiens pour communier de concert à cette soirée "Jazz Connect". Un trio composé d'un saxo soprano français, d'un pianiste allemand et d'un joueur de tablas indien illustrait parfaitement cette belle amitié entre nos peuples. Dommage, la salle de bal du Taj Krishna ne se prêtait guère à du free jazz plutôt confidentiel qu'on imaginait mieux au New Morning. Les lumières sont restées allumées tout le temps, les téléphones portables aussi, bref c'était le joyeux foutoir habituel des happenings à l'indienne. Bon, nous avons passé une bonne soirée quand même, il m'a juste manqué une chose : entendre la Marseillaise. D'autant que si on avait dû compter cette année sur l'équipe de France ...    

lundi 5 juillet 2010

M'am et son chauffeur

Vu de France, avoir son chauffeur peut sembler le comble du luxe. Quand on le vit au quotidien, la réalité est toute autre. D'abord, ce n'est pas un choix. Dans une grande ville de l'Inde, tentaculaire, sans aucune signalisation ou presque, et à la circulation anarchique, le chauffeur est une nécessité pour des raisons de sécurité. Ensuite, c'est bien plus qu'un chauffeur, c'est une personne clé qui rend tout un tas de services. Le nôtre, par exemple, nous a trouvé une femme de ménage et comme elle ne parle pas l'anglais, il sert d'intermédiaire. Nous avons mis près de deux mois à dénicher la perle rare. Ravinder, comme tout être humain, a ses qualités et ses défauts. A son crédit, il est honnête, fiable, ponctuel et  plutôt prudent. Que demander de plus à un chauffeur ? D'un naturel jovial, il ne sait pas quoi faire pour nous faire plaisir. Côté défauts, il est macho - comme quasiment tous les Indiens - têtu comme une mule et  a une fâcheuse tendance à se mêler de ce qui ne le regarde pas. Chef de famille - au sens large du terme comme on peut l'être en Inde - je le soupçonne aussi de prodigalité mais après tout, ce n'est pas mon affaire. Avec "Sir" qu'il amène au bureau le matin et ramène le soir, ils s'entendent très bien, parfois un peu trop à mon goût. Il lui apprend le telugu, le fournit en cigarettes, café et mangues quand c'est la saison. Ils partagent le même barbier et sont même allés faire des poojas au temple ensemble. Avec moi, qui passe de nombreuses heures en sa compagnie, c'est différent. Il voue une véritable adoration à son ancienne "M'am", une Canadienne qu'il a conduite à droite et à gauche pendant deux ans, et il m'en parle sans arrêt. Rédhibitoire. Comme de nombreuses femmes d'expat, V., qui avait semble-t-il un train de vie qui n'est pas le mien, passait son temps en shopping. Pendant le premier mois, j'ai eu droit au pèlerinage : c'est là que V. achetait ses chaussures, ses sacs (!), ses tapis (!), qu'elle retrouvait ses copines pour déjeuner, allait faire son yoga. Le jour où j'ai demandé à Ravinder de me déposer chez mon coiffeur, et qu'il m'a conseillé d'aller plutôt chez celui de V., j'ai failli exploser. Rien de bien méchant, me direz-vous, mais bon sang qu'est-ce qu'il me tarde de rentrer chez moi pour retrouver ma petite Saxo !