vendredi 27 novembre 2009

La plus grande démocratie du monde (II)

Les élections municipales se sont achevées hier et sans surprise, elles ont été gagnées par le parti majoritaire. Je me trouvais avec une copine dans la vieille ville où nous venions de visiter le très intéressant Salar Jung Museum, quand notre voiture a croisé un cortège de sympathisants du Congrès. Les premiers résultats connus à la sortie des urnes donnaient le parti du tandem Gandhi-Singh largement gagnant et j'ai trouvé leur joie communicative. J'ai aussitôt ouvert ma vitre pour les saluer et prendre des photos. Ce matin, le Times of India, s'il confirmait la victoire - 52 sièges sur 150 - mettait un bémol à l'écrasante poussée annoncée. Mais en dehors de ces résultats dont je ne peux mesurer les enjeux étant là depuis trop peu de temps, j'avoue que je me suis passionnée par les à-côtés de ces élections. Par exemple, lundi a été déclaré férié par l'Etat de l'Andra Pradesh ce qui a conduit à une abstention relativement forte. 57 % ont préféré profiter de ce week-end prolongé pour faire autre chose comme se marier, car novembre ici c'est comme juin chez nous, c'est la saison des mariages. J'ai noté aussi à la lecture des journaux quelques tentatives de corruption. Des partisans de tel parti ont été pris la main dans le sac alors qu'ils essayaient d'acheter des voix et dans deux bureaux de vote, il a fallu revoter car au dépouillement, le nombre de bulletins était supérieur au nombre d'inscrits ! Plus cocasse, dans la vieille ville, à majorité musulmane, une quarantaine de femmes cachées derrière leur burqa auraient voté deux fois. C'est bien la première fois que l'idée d'une femme portant la burqa me fait sourire. Autre chose, chaque électeur ici se voit marquer d'un trait noir sur le majeur, trace longtemps indélébile si j'en crois notre chauffeur qui râlait hier. Il y a eu aussi quelques échauffourés, des insultes échangées et même des gifles, mais tout cela vite circonscrit par un dispositif de sécurité impressionnant. On était fouillé partout, encore plus que d'habitude. Last but not least, le jour des élections et celui du dépouillement étaient décrétés "dry days" ce qui en clair, signifie que l'alcool était interdit de vente même dans les hôtels et les restaurants. Lundi soir, par hasard, nous étions invités par l'Alliance Française à un concert de jazz sponsorisé par une marque de whisky où l'on a bu ... de l'eau.

mercredi 25 novembre 2009

La plus grande démocratie du monde (I)

Avec son milliard d'habitants, l'Inde est le deuxième pays le plus peuplé du monde mais, contrairement à la Chine, ses citoyens ont le droit de s'exprimer dans les urnes depuis la constitution de 1950. Lundi, c'était jour de vote à Hyderabad. On y élisait les représentants du peuple au GHMC, Great Hyderabad Municipal Corporation, pour faire court, les conseillers municipaux pour 150 circonscriptions. En tout, 1310 candidats se présentaient dont, notait la presse, pour la première fois 403 femmes. Le Congrès, parti de la majorité conduit pas Sonia Gandhi (sur l'affiche) et le premier ministre Manmohan Singh, avaient placé des candidats partout, et les principaux partis opposés, le TDP et le BJP, presque partout, tandis que le plus petit parti, le CPI n'en avait que 13. Pour rester dans les chiffres, 5718 bureaux de vote étaient disséminés dans le grand Hyderabad dont 1257 exclusivement réservés aux femmes et 1311 aux hommes, les autres étant mixtes. On a vu fleurir des affiches électorales partout en deux semaines et même au-delà de samedi 17 heures, limite légale pour les retirer. Le courrier des lecteurs du Times of India se faisait d'ailleurs l'écho de riverains mécontents de l'état des murs de leurs maisons, à quoi les politiciens répondaient que ce n'était là que l'expression de la démocratie. Des expats se sont vu réquisitionner leur chauffeur et sa voiture par l'armée pendant 48 heures pour emmener des électeurs à des meetings ou des bureaux de vote. On ose à peine imaginer le tollé si on faisait la même chose en France ! Quant aux programmes des candidats, le Congrès assurait de débarrasser Hyderabad de ses taudis (près de 1500) tandis que le TDP promettait de redonner à Hyderabad sa splendeur passée, rien que ça. Quant au PRP, il faisait miroiter à ses électeurs des quartiers pauvres l'approvisionnement en eau potable et autres équipements, approche peut-être la plus pragmatique à mon sens. (A suivre)

samedi 21 novembre 2009

Un cours qui fait recette

Le vendredi c'est cours de cuisine au Novotel. Enfin, cours est un bien grand mot. Deux Chefs Indiens (ni Cochise ni Geronimo) officient derrière leur piano et une vingtaine de dames, assises sur des tabourets hauts, les regardent préparer des plats. En fait, c'est plutôt le dernier salon où l'on cause. La classe est très dissipée et papote à qui mieux mieux dans un sabir international où l'anglais (langue véhiculaire) et le français (langue la plus représentée) dominent. Le grand Chef essaie d'expliquer à son auditoire agité les subtilités de la recette du jour, le macher johl, une spécialité benghalie à base de darne de poisson non identifié. J'essaie de me concentrer car il n'est pas facile à comprendre, et pour être tout à fait franche, les bavardages de mes trois voisines m'intéresse aussi. Au début, ça va, en gros, c'est comme chez nous. On lave et on sèche les darnes, on les enduit de farine et d'ail et on les fait frire jusqu'à ce qu'elles brunissent. Jusque là tout va bien. C'est après que ça se corse, c'est le cas de le dire, car on doit ajouter à la préparation du cumin, du coriandre, de l'oignon, encore de l'ail, de la pâte de gingembre et, puis du saunf, du kalonji, du masala. Comme disent mes voisines, la difficulté ce n'est pas tant de refaire les recettes une fois chez soi, c'est de trouver les épices. Car la cuisine indienne, c'est hot, hot, hot, qu'on se le dise. Enfin, là, le Chef avait dû tenir compte de nos palais délicats d'occidentales car le poisson était délicieux et not too spicy, pour une fois. En dessert, il nous a concocté des balushashi, sortes de beignets pour anorexiques car avant de les plonger dans l'huile bouillante, il convient de les tremper dans un sirop composé de 1 kg de sucre pour 1 kg de ghee ou beurre clarifié. Quand vous les saisissez dans vos doigts, l'huile et le sucre dégoulinent de conserve mais le résultat est étonnamment bon. Je ne sais pas pourquoi, tout à coup, une image s'est imposée à moi, à la place Chef du Novotel, j'ai vu Maïté à la télé préparant ses foies gras et ses salmis de palombe...

mercredi 18 novembre 2009

Du côté des petites filles

Au Charminar, l'attraction ce fut nous. Hyderabad a beau receler quelques joyaux architecturaux, elle est un peu oubliée des circuits touristiques en Inde du Sud qui se concentrent plutôt sur les côtes. Située au centre, sur le plateau du Deccan, elle ne manque pourtant pas de charme avec son riche passé islamique. Car quoique capitale d'un état peuplé à 95% d'hindous, elle est restée très musulmane. Le Charminar, édifié à la fin du 16è s. par le dernier roi de la dynastie des Qutb Chahi, abrite la plus vieille mosquée de Hyderabad, et est visité par de nombreux pèlerins. Nous avons du reste demandé notre chemin à des Indiens qui se sont presque excusés de n'être que des touristes comme nous, mais venus de l'état voisin du Karnataka. Autant dire que des Occidentaux blancs, on n'en voit guère ici et quelle n'a pas été ma surprise quand le père d'une petite fille a demandé à Eric si elle pouvait poser avec moi ! Personnellement, je photographie rarement les gens sans leur autorisation, et quand il m'arrive de le faire, à la dérobée, je me sens toujours un peu coupable. Mais là, de la petite fille ou de moi, je ne sais pas laquelle était la plus ravie. Ensuite, sa maman, qui portait le hicham mais n'avait pas le visage couvert, a souhaité m'être présentée. Je lui ai serré la main, elle m'a dit son nom - qu'hélàs je n'ai pas retenu - et je lui ai dit le mien. L'échange s'est arrêté là car elle ne parlait pas anglais et elle était plutôt intimidée. Du Charminar, nous sommes passés au Laad Bazaar tout proche. Nous étions samedi et des groupes de femmes faisaient leurs emplettes. J'ai été frappée par le nombre de musulmanes portant la burqa. C'est d'autant plus notable ici qu'elles cotoient dans la rue des hindoues qui elles, arborent des saris ou des salvar kameez multicolores. Il me semble que plus elles sont jeunes plus elles sont couvertes. Seule une fente laisse entrevoir leurs yeux émergeant de tout ce noir. Les petites filles de 8-10 ans qu'elles tiennent par la main portent des petites robes colorées et des rubans dans les cheveux et n'hésitent pas à vous dévisager en riant de toutes leurs dents. Je les imagine dans quelques années emmurées à leur tour et alors mon cœur se serre.

dimanche 15 novembre 2009

Ces merveilleux fous du volant

Nous avions donné rendez-vous au chauffeur affecté par la boîte d'Éric, à midi. Je précise ici qu'on ne joue pas aux nouveaux riches, mais pour des raisons de sécurité, conduire nous est interdit. Notre homme s'est pointé avec vingt minutes de retard, ce qui semble être la norme ici. De toute façon, nous n'étions pas pressés, c'était le premier jour de congé d'Éric depuis notre arrivée et nous avions hâte de découvrir enfin la ville. Nous avons pris place à l'arrière de la voiture où la clim marchait à fond et la ceinture de sécurité bien présente mais cassée. Qu'à cela ne tienne, c'est l'aventure, ai-je pensé. Je dois dire que j'ai déjà voyagé en Asie et en Afrique, mais la conduite en Inde c'est, comment dire ? quite an experience. La circulation y est totalement folle. Voitures, auto-rickshaws, motos, mobylettes, vélos, piétons se croisent, se dépassent, se frôlent, chacun poursuivant inexorablement son but et imposant sa loi à l'autre à grands coups de klaxons. Il n'existe que quelques feux tricolores, la plupart emboutis, et des policiers à quelques carrefours qui ont beau jouer du sifflet et froncer les sourcils derrière leurs ray-ban, ils n'impressionnent pas grand monde. Cela donne une impression d'un énorme chaos, sans règles ni lois mais où des codes tacites doivent exister car ... ça marche. Le covoiturage est aussi une pratique courante ici et il n'est pas rare de croiser une moto avec le père au guidon, le mère en amazone - sari oblige - et au milieu deux enfants dont un bébé d'à peine un an. Quant aux rickshaws censés transporter trois personnes derrière le chauffeur, ils abritent souvent une famille entière de cinq ou six personnes. Notre chauffeur roule prudemment et j'ai noté qu'il mettait son clignotant très longtemps à l'avance. Il ne s'énerve jamais mais a choisi comme sonnerie de portable un bruitage de verre cassé... pour conjurer le sort ? Au bout d'une heure, il nous a déposés au pied du Charminar, le plus important monument d'Hyderabad (j'y reviendrai) et c'est avec soulagement que nous avons mis le pied hors de l'habitacle. C'était sans se douter que ce serait pire dehors car là on devient ... piéton. Le temps de réaliser qu'en Inde, on roule à gauche et de penser à tourner la tête du côté d'où vient le danger, et j'avais déjà failli me faire renverser trois fois. Malgré ces émotions fortes, c'est à cet instant précis que je me suis dit in petto Cette fois, on y est !

jeudi 12 novembre 2009

Une fille complètement timbrée

Tous ceux qui connaissent les Indiens vous le diront, ils ont le défaut de leur qualité principale, la gentillesse : ils ne savent pas dire non. Ajouté à cela que nous résidons dans un hôtel raffiné où nous croisons à longueur de journée un personnel souriant et aux petits soins, qui vous ouvre la porte, vous pousse votre chaise et est à l'affût de vos moindres désirs. Jeunes gens en uniforme blanc ou jeunes filles en sari aux couleurs sobres, tous vous gratifient de leur plus beau sourire et, croisant les mains sur la poitrine, vous susurrent des "namaste" infinis. Autant dire que quand j'ai demandé un timbre pour l'Europe à la réception, je ne m'attendais pas à ce qui s'en est suivi. Bien sûr, il m'a d'abord été proposé de leur remettre la lettre que l'hôtel se ferait un plaisir de poster pour moi mais, bêtement, j'ai insisté pour coller un "vrai" timbre sur l'enveloppe. Après moultes discussions entre eux, ils sont tombés d'accord sur un affranchissement de 40 roupies. J'ai donc sorti un billet de 100 Rs de mon sac, ce qui les a encore mis dans l'embarras car il est clair qu'ils auraient préféré le rajouter à ma note. Mais justement, celle-ci étant remboursée par la boîte de mon mari, je n'y tenais pas. Le réceptionniste est parti avec mon billet et est revenu 20 minutes plus tard au bas mot avec mes timbres et la monnaie, ce qui ne m'a pas dérangée vu que j'étais plongée dans un livre passionnant. Lorsque j'ai vu la kyrielle de timbres qu'il me rapportait, je me suis demandée où diable j'allais pouvoir écrire l'adresse sur l'enveloppe mais, consciente de l'avoir déjà suffisamment mis dans l'embarras, je n'ai pas pipé mot. Dix minutes plus tard, mon charmant interlocuteur est revenu avec une facture en bonne et due forme que j'ai dû signer. Il m'a montré la ligne débit correspondant à la vente de mes timbres et celle du crédit prouvant que je les avais bien payés (apparemment, la notion de facture acquittée ne semble pas leur parler). Moralité de l'histoire, j'aurais dû réfléchir avant de demander !

mercredi 11 novembre 2009

La grippe H1N1 ne passera pas par l'Inde

A notre arrivée dans le flambant neuf aéroport Rajiv Gandhi d'Hyderabad, nous avons été accueillis par une cohorte d'employés arborant tous un magnifique ... masque vert. Dans l'avion, les hôtesses de la Lufthansa nous avaient remis un questionnaire - vert lui aussi - nous demandant si nous n'étions pas porteurs du virus H1N1 ou susceptibles de l'avoir contracté. A la question "avez-vous récemment voyagé dans une des zones affectées par le virus ?", nous avons jugé prudent de répondre non. Or, dans la liste des pays déjà touchés mentionnée dans ledit document, la France figurait en bonne place. J'avais une réponse hypocrite toute prête : et bien, non, nous n'avions pas voyagé ni traversé stricto sensu ce pays vu que nous y habitions. De toute façon, la vue du bataillon de médecins présents, la présence des appareils radiologiques sur place (!) et la menace de "quarantine" répétée sur tous les panneaux suffisait à nous persuader de faire profil bas. Moi qui sentais un rhume poindre à cause de la clim de l'avion, j'ai réfréné toute envie d'éternuer ou de sortir un kleenex. Bon, on l'aura compris, l'Inde peuplée d'un milliard d'habitants dont 7 millions juste ici, à Hyderabad, capitale de l'Andra Pradesh, ne veut pas de grippe et on la comprend. Il n'en demeure pas moins que cette arrivée sous haute surveillance au milieu de tous ces yeux noirs vous fixant par dessus leur masque avait un côté surréaliste. Et dire que c'est la première image que je retiendrai de notre arrivée en Inde !